Ma clôture contre les sangliers
Depuis près de vingt ans, les forêts d’Europe occidentale ont vu croître leur population de sangliers de façon exponentielle. Les comptages réalisés à grande échelle en 2007 avaient pour but de valider les thèses selon lesquelles les diverses tempêtes et coups de vent depuis 99 avaient eu un impact important sur le développement des sangliers. Les estimations affinées révélaient un triplement de la population depuis 1985, avec une augmentation très marquée depuis 1999. Cette démographie galopante a entraîné une augmentation des densités locales, puis l’extension de l’espèce à de nouveaux espaces. Depuis quelques années on observe même des incursions récurrentes en milieu résidentiel périurbain.
Généralités :
Le sanglier (Sus scrofa) est l’ancêtre du porc domestique. La tête de ce solide représentant de l’ordre des artiodactyles, représente le tiers de la longueur totale de son corps, qui est comprise entre 1.20 et 1.70m. Le mâle adulte peut peser 150 à 170 kilos pour 1m au garrot. La femelle présente une taille et un poids beaucoup moins importants. Espèce grégaire, il vit au sein d’une structure sociale appelée « compagnie » ou « harde ». Des individus isolés peuvent néanmoins être observés, en particulier les vieux mâles solitaires, en dehors de la période de rut. Dans nos régions, l’activité du sanglier est essentiellement nocturne, il quitte sa bauge au crépuscule pour partir en quête de nourriture. Il peut parcourir plusieurs kilomètres en une seule nuit.
Futé à l’extrême, le sanglier présente des facultés d’adaptation. Par ailleurs, son taux de fécondité est élevé. La femelle, la laie, met bas de une à deux portées de 4 à 8 marcassins qui conserverons un pelage rayé durant environ 6 mois. D’une année à l’autre, abstraction faite des prélèvements, la population peut augmenter de 50 à 200 %. Cette augmentation est liée à différents facteurs dont :
– L’amélioration des conditions alimentaires, qui accroît le potentiel reproducteur de l’espèce :
– Fructification forestière (glands, faines) abondante ces dernières années.
– Modification des pratiques agricoles (développement des cultures de maïs et de colza, des jachères).
– Nourrissage dissuasif autorisé en forêt, pour l’éloigner des zones à protéger.
– Le croisement accidentel ou intentionnel avec des porcs domestiques, donnant un hybride encore plus prolifique et moins sauvage appelé cochonglier.
– Le climat (hivers cléments réduisant la mortalité des jeunes et tempêtes des années 90 ayant créé des zones de refuge et d’alimentation).
– Augmentation des superficies boisées, la France comme plusieurs autres pays européens, voit sa surface forestière progresser depuis quelques décennies.
– La présence de zones non chassées (réserves naturelles, forêts urbaines) qui peuvent servir de refuge.
– Prélèvements de chasse parfois insuffisants (tradition qui se perd, coût du permis et des assurances, restriction des jours et des zones de chasse, réglementation française et européenne de plus en plus contraignantes).
Le sanglier est classé « grand gibier », il peut être chassé en battue, en plaine ou au bois, à l’approche et à l’affût.
Dans certains cas, des battues administratives, soumises à autorisation sont organisées pour réduire ponctuellement la population.
Le sanglier est il dangereux pour l’homme ?
Suite à la pression des activités humaines, le sanglier ne craint plus de fréquenter les zones proches des habitations. Il n’en demeure pas moins un animal sauvage, particulièrement méfiant, qui a généralement peur de l’homme.
A de rares exceptions (laie protégeant ses marcassins, animal blessé ou se sentant acculé), le sanglier n’est pas dangereux pour l’homme, il cherche plutôt à le fuir. Le jardinier qui surprendrait des sangliers sur le départ du 12 n’a donc pas de raison particulière d’avoir peur. Se montrer, faire du bruit, allumer des phares sont autant de bons réflexes qui doivent suffire à les mettre en fuite.
Pourquoi le sanglier commet-il des dégâts ?
Le sanglier, seul grand omnivore de nos régions, est une espèce opportuniste. Son régime alimentaire varie en fonction des saisons et de la disponibilité des aliments. Il est en général composé de 90% de végétaux (glands, maïs, faines, champignons, herbes et tubercules) et de 10% d’animaux (vers de terre, limaces, insectes, petits rongeurs ou charognes). La ration quotidienne d’un sanglier de 60 kg se compose d’environ 3 à 4 kg de nourriture.
C’est pour couvrir ses besoins en protéines qu’il fouille le sol et retourne le gazon à l’aide de son groin, en particulier si ces zones sont situées près d’une zone boisée où il se réfugie le jour. Il est particulièrement friand des larves et des vers qui prospèrent dans les prairies et les gazons. Les dégâts occasionnés peuvent être considérables. Il est actif en toutes saisons.
“Mieux vaut prévenir que guérir“
La meilleure protection contre les incursions des sangliers est la pose d’une clôture efficace autour des zones à préserver. Le coût en main d’œuvre et en fourniture d’un tel dispositif est largement inférieur aux travaux de remise en état des dégâts, à plus forte raison si la harde ou compagnie se compose de 15 ou 20 individus voire plus…Les répulsifs acoustiques, optiques ou olfactifs (naturels ou chimiques) ne sont que d’une efficacité limitée pour l’effarouchement. L’utilisation de boulettes de naphtaline donne de bons résultats, mais le produit se dégrade vite à l’air et à l’humidité et la durée d’action reste limitée. Des cas m’ont été rapportés de l’utilisation de crotte de loups ou de lion, cela semble fonctionner, mais là encore, la durée d’action reste limitée et l’approvisionnement pour le moins aléatoire (tout le monde n’habite pas à coté du parc de Thoiry…).
Le but de la clôture est d’empêcher physiquement les sangliers de pénétrer le périmètre. Tous les accès devront être fermés car l’animal est rusé. Le sanglier est un bon nageur et les rivières et plans d’eau ne sont en aucun cas un obstacle à ses maraudes nocturnes. Les portails, automatiques ou non, qui peuvent se retrouver partiellement ouverts la nuit, doivent être pourvus de passages canadiens. Outre les conditions d’implantation, d’exploitation, d’entretien et de prix de revient, le choix sera conditionné par les critères de fiabilité, de durabilité, de visibilité, d’esthétique et de sécurité (présence de golfeurs ou d’enfants). De nombreux modèles de clôture existent sur le marché et sont susceptibles de convenir. La clôture en grillage rigide, peut convenir à condition d’être très robuste et parfaitement implantée. Dans les autres cas, en l’absence de grillage ou dans le cas de grillages légers(souple, simple ou double torsion etc.…) la clôture électrique s’impose. Un accord entre voisins peut réduire les coûts (un grillage ou un électrificateur peut être acheté en commun).
Installer sa clôture électrique :
L’électrificateur est une source d’énergie pour alimenter la clôture. C’est l’appareil qui sert à produire un courant puissant, mais sans ampérage (donc sans danger) et à l’envoyer dans les conducteurs. Les 6000 ou 10000 volts peuvent effrayer mais le très faible ampérage (quelques milliampères) garantit la sécurité. Il n’empêche, que la décharge produite s’apparente à un coup de batte de baseball.
De préférence branché sur le secteur (220V) il peut l’être sur batterie. Cette dernière devra être rechargée régulièrement (toutes les 2 semaines) à moins d’être dotée de panneaux solaires, lui assurant son autonomie. Le système de pile au lithium est plus cher mais plus performant que les batteries traditionnelles (pour 4 à 5 km de clôture). Sur un électrificateur secteur, il est possible de brancher 8 à 10 km de clôture. La liaison entre l’électrificateur et les conducteurs sera réalisée avec un câble isolé ou non d’un diamètre de 6mm². Dans le cas d’un ruban, le raccordement se fera au niveau d’un anneau d’attache ou d’une boucle de tension. Régulièrement, un pontage sera mis en place entre les deux ou trois fils pour améliorer les performances de la clôture.
La prise de terre, ou plus exactement la prise d’humidité de terre en cuivre ou en acier galva de 1 m à 1.5 m de longueur, sera enterrée, si possible dans un sol bien frais. En conditions plus sèches, il ne faut pas hésiter à rallonger les terres, et à en implanter une seconde à quelques mètres de la première. Attention à ne jamais se raccorder à la terre d’une installation électrique, cela ne fonctionnera pas.
Les conducteurs seront en fil rond, en acier galvanisé ou en aluminium de ø 2mm, en câble d’acier traité ou en ruban nylon tressé de 1.5 à 4 cm de large doté de 3 ou 4 fils, en inox. Maintenus bien tendus, les conducteurs seront disposés sur 3 hauteurs, à 15-40-60 cm par rapport au sol. Le fil du bas doit absolument empêcher les marcassins de passer, mais ne doit être en contact ni avec le sol, ni avec la végétation. Des plaques de signalisation (tous les 50 m normalement) avertiront, comme la loi l’impose, golfeurs et promeneurs de la présence d’électricité dans les fils.
Les piquets seront en bois (épicéa traité ø 8 cm, châtaignier, chêne, acacia) avec jambe de force aux angles, ou en acier ø 10 à 12 mm. Certains modèles élaborés disposent le fil du haut en retrait de celui du bas pour assurer un contact privilégié des pattes et du groin, les deux parties du corps du sanglier les plus exposées. En effet, chez certains gros spécimens, il n’est pas rare de trouver des soies de près de 10 cm de long, au niveau du cou ou des flancs, qui isolent plus ou moins l’animal du courant. On trouve également des piquets en plastique injecté avec passage de fil intégré, ou en fibre de verre de 10 à 15 mm de Ø. En présence d’une clôture existante à doubler, on réservera 1m à 1,20m entre les deux clôtures pour permettre aux intrus de se retourner et ressortir sans tout défoncer au moment de la décharge.
Les isolateurs seront toujours tournés vers l’extérieur de la zone à protéger. Divers modèles à visser, auto-forants, ou à clipser sont disponibles. Isolateurs coudés, rallongés, en queue de cochon, pour ruban ou pour fils ronds, voire les deux, autant de modèles pour répondre au mieux aux divers besoins des installations, fixes ou provisoires. Des portes seront disposées de place en place pour permettre le passage, bien sûr, mais aussi pour sectionner la clôture en tronçons permettant de repérer les zones à problème. En effet, en cas de casse ou de mise à la terre (fil au sol, végétation abondante et humide sur les fils) en procédant par élimination lors de la “recherche de panne“, on repère les zones où intervenir. Ces portails ou portillons sont réalisés à l’aide de poignées dotées de ressort, disposées entre deux piquets.
Dans certains cas, des aides peuvent être accordées, par les fédérations de chasse, pour l’installation voire l’indemnisation des dégâts, bien qu’en tant qu’animal sauvage, le sanglier n’appartienne à personne (resnullius).
Entretenir sa clôture
Pour être opérationnelle, la clôture doit être dotée d’un système d’alimentation performant. Elle ne doit pas toucher la végétation environnante, à plus forte raison en conditions humides. Les conducteurs doivent être maintenus tendus. Tout claquement, toute étincelle révèle une mise à la terre partielle sur un brin d’herbe ou une branche. Un désherbage mécanique (tonte ou débroussaillage) ou chimique (herbicide total) sera obligatoire. Un test régulier à l’aide d’un testeur de clôture à diode sera réalisé. De plus une inspection visuelle s’impose, en particulier en période de mouvement des hardes (moissons, récoltes, chasse) ou après un coup de vent.
La période d’abondance se termine avec les dernières récoltes, maïs, betteraves etc. Les temps durs de l’automne et de l’hiver vont enjoindre les sangliers à venir fouiller gazons et prairies à la recherche de quelques larves de tipules ou de hannetons, de lombrics succulents à se mettre dans le groin. Il est temps de fourbir vos armes si ce n’est déjà fait. Comme supplétif ou palliatif à la clôture électrique, il reste le 12mm juxtaposé pour rêver de quelques terrines et ragoûts pour cet hiver.
Pascal Van Hollemeersch